Le monde de Charlotte. Chap. 18 : Ah, ce cher Gewurzstraminer !
Je ne me rappelle
plus qui a dit que les hommes ne comprenaient pas grand-chose aux
affaires du cœur. Était-ce Madame X, Louise Deschâtelets ou Janette Bertrand ?
Peu importe : l’important est que la chose est vraie. J’en veux pour
preuve le comportement de ce cher Gewurztraminer après le souper de
l’autre soir chez ma sœur Guylaine. Vous vous rappellerez qu’il avait perdu ses
moyens en me voyant, puis qu’il m’avait fixé du regard tout le long du repas,
ce qui avait allumé dans les yeux de ma sœur les braises ardentes de la jalousie.
Heureusement, Julio avait été là pour me témoigner son affection et faire la
conversation. Autrement, je ne suis pas sûre de la tournure qu’aurait prise la
soirée.
Aussi, quelle ne fut pas ma surprise quand le surlendemain, môssieur
a eu l’audace de me téléphoner. Qui c’est, a chuchoté entre mes seins un Julio
encore plein de vigueur. Chut, lui ai-je répondu en ramenant le couvre-lit sur
mon corps, c’est le petit copain de ma sœur. Môssieur a commencé par s’excuser
pour son attitude de samedi, avant de s’enquérir de ma santé, de mon sommeil,
etc. Vous voyez le genre. Écoute Bonhomme, ai-je fini par lui répondre un peu plus sèchement
que je ne l’aurais voulu, notre lien d’affaire ne fait pas de nous de vieux
amis. Julio sortit la tête de sous le couvre-lit et me jeta un regard
interrogateur. Je compris que je devais faire attention à mes paroles. Je ne
suis pas seule en ce moment, m’empressai-je d’ajouter en l’enjoignant de me
rappeler un autre jour. J’aurais dû raccrocher à ce moment-là. Trop tard !
Môssieu a insisté pour prendre rendez-vous avec moi le plus tôt possible pour
vous savez quoi. Quoi ? Le saut que je fis désarçonna complètement Julio qui
jugea le moment bon pour aller prendre une douche. Je lui fis signe de la main
de revenir dans cinq minutes.
Gewurztraminer m’expliqua alors qu’il aimait bien ma
sœur, mais qu’elle baisait comme un pied. Rien de comparable à moi, eut-il
l’audace d’ajouter. Comme si, pour lui,
il était normal de comparer deux sœurs sur le plan sexuel. Bon sang, s’il avait
fallu que Guylaine entende ça, je crois qu’elle m’aurait mitraillée à mort du
regard avant que d’étrangler l’impertinent à mains nues. En tout cas, c’est ce
que moi, j’aurais fait. Que voulez-vous répondre à ça ? Je l’ai envoyé se faire
voir et lui ai ordonné de ne plus jamais me téléphoner. Pour ma part, je me suis
juré in petto de voir Guylaine seulement quand elle serait seule. Je fis
ensuite l’amour deux fois avec Julio pour calmer mes nerfs, ce que ce dernier
prit pour de la passion !
Trois jours plus tard, ce fut au tour de Guylaine de me
téléphoner. Comme Julio avait repris ses livraisons de pizza, je pouvais lui
parler librement. Ma sœur appelait pour s’excuser de son attitude au souper de
samedi dernier. Elle avait compris par après que la jalousie n’avait rien à
voir avec l’amour, surtout avec le sentiment que Julio et moi partagions. Ce à
quoi je ne répondis rien, préférant dissimuler ma vérité dans le silence. Elle
avait aussi compris que Gewurztraminer n’était pas l’homme de sa vie. Il
était quasiment veule à force d’être mou, et il ne savait parler que de son
voyage en Europe. Elle n’avait que faire d’un tel homme. Aussi, lui avait-elle
donné son quatre pourcent la veille. Et, elle était maintenant prête à
rencontrer d’autres hommes. Au pluriel, s’il vous plait ! Je n’en revenais pas.
Disparue la femme incel (NdA : célibataire involontaire, un
néologisme qui s’applique aussi bien aux femmes qu’aux hommes). Guylaine devait
à Gewurztraminer et ce, bien malgré lui, d’être devenue une femme
confiante et positive. Elle a conclu la conversation en me demandant de lui
référer tout prospect que je jugerais intéressant. Je riais encore quand j’ai
raccroché.
Rendue à ce point de mon récit, vous vous dites sans doute
que j’aurais pu lui suggérer de se faire livrer des repas par des restaurants.
Vous n’avez pas tort. Mais, ma sœur est assez grande pour développer ses
propres stratégies de rencontre. Aussi, je l’avoue, je ne voudrais pas qu’elle
commande à la pizzeria de mon bel étalon.
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