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Affichage des messages du octobre 15, 2023

Le matin où la nuit tomba

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    Dans un acajou à grandes feuilles de la forêt amazonienne, à quelque trente mètres du sol. -       Salut Atta 1492, ça va ? Belle journée pour découper des feuilles! -       Oh, excuse-moi Atta 2021, je ne t’avais pas vue. Oui, belle journée. J’espère que notre reine pondra beaucoup d’œufs aujourd’hui, car nous commençons à manquer drôlement de main-d’œuvre pour notre culture de champignons. Un peu plus loin sur la même branche : -       Salut Atta 1759, comment était le champignon ce matin? -       Délicieux, surtout avec un peu de miellat de puceron. Je te le recommande pour le diner. Et la fourmi coupe-feuille Atta 2021 de continuer sa pénible marche vers la fourmilière en portant sur son dos une demi-feuille d’orchidée sanguine. Un peu plus loin, confortablement installé dans le réservoir d’eau d’une broméliacée, une rainette jaguar mâle achève de faire la cour à sa belle. Celle-ci vient ensuite se coller sous son ventre et se prépare à pondre la dizaine d’œufs

Lascaux et Chauvet

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    Il était une fois, plus précisément un vingt-quatre décembre en début d’après-midi, un beau jeune homme prénommé Lascaux qui marchait sur le boulevard principal en direction du centre d’achats. Un épais tapis de neige recouvrait la ville, conséquence du blizzard de la veille. Lascaux ne souffrait ni du froid ni du vent, car il était chaudement vêtu d’un long parka en duvet d’eider bio, d’un bonnet andin en laine mérinos, de bottes Sorel doublées de feutrine, et de grosses mitaines en fourrure – synthétique, naturellement. Sur la recommandation de son conjoint Chauvet, il s’en allait … Mais laissons notre héros raconter lui-même son histoire. *** J’adore quand il neige. La ville devient alors un lieu féérique. Les automobiles se font rares, les sons feutrés, les maisons invisibles. Même le sol devient moelleux. Il se dégage du paysage une blancheur lumineuse qui me transporte dans un autre univers. Trêve de lyrisme, me voici rendu à destination. Bon sang! Chauvet a raison :

L'aéroport international de Piarco

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  Ma très chère sœur,      Je t’écris parce que je dois malheureusement abréger mes vacances dans les Antilles à bord du voilier de luxe « Le Vagabond », aussi appelé « Le Vomitoire » pour les raisons que tu comprendras bientôt. Je suis présentement à l’aéroport international de Piarco à Trinidad et Tobago, un pays dont le nom est presque aussi long que son territoire et que ses habitants surnomment le Vatican des Antilles tant il y grouille de paradis fiscaux et de prélats venus s’y mettre à l’abri de la justice. J’attends patiemment mon vol de retour vers Montréal à bord d’un bimoteur à hélice qui devrait survoler le triangle des Bermudes.      Au départ, l’idée de Françoise, l’organisatrice des ateliers d’écriture de la bibliothèque Memphrémagog, semblait excellente : passer deux semaines dans le Sud sur un grand voilier de luxe à peaufiner notre écriture à coups d’exercices préparés par des plumes expérimentées, le tout en visitant des îles au sable chaud et des plages aux eaux

(1 de 3) Je me dépose

  (Méditation) Ahoummm Je dépose mes pensées inutiles comme cette lumière que j’irradie. Plusieurs espèces animales émettent de la lumière et se portent très bien. Je pense à ces poissons prédateurs des grands fonds marins qui se servent de la lumière pour communiquer ou attraper leurs proies. D’autres espèces, comme la luciole, se servent de la lumière pour s’accoupler. Pourquoi pas ? Je prends cette pensée et la dépose dans un tiroir que je referme à clé. Ahoummm Je dépose mes pensées inutiles comme cette femme qui a couché avec le mari de sa meilleure amie. A-t-elle bien mérité la punition que je lui ai infligée? Qui suis-je pour juger de ce qui est bien ou mal ? Je prends cette pensée et la dépose dans un tiroir que je referme à clé. Ahoummm Je dépose mes pensées inutiles comme ce professeur de mathématiques d’origine congolaise qui refuse depuis plus d’un an de porter un masque et qui dénonce les consignes sanitaires comme étant un complot pour nous asservir. Devrais-j

(2 de 3) Super Serge

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    Ma pancarte clame haut et clair « À bas les pédo-politiques ». Je suis entouré d’adeptes de Q-Anon qui croient dur comme fer qu’Hillary Clinton a mangé des bébés dans le sous-sol d’une pizzéria de Washington. Nous scandons inlassablement « Let’s go Brandon » devant le Capitole de l’état de New York à Albany. La fin de semaine prochaine, je manifesterai à Columbus devant le Capitole de l’Ohio. Puis, ce sera le tour de celui du Texas… S’il me reste du temps, j’irai aussi manifester à Ottawa pour le pétrole albertain. À chaque fois, j’exercerai le super pouvoir que j’ai inopinément reçu du ciel il y a trois ans. À ce moment-là, j’étais attablé à la terrasse de la cantine Chez Paul sur la rue Principale à Magog. Je dégustais tranquillement une poutine format familial à la viande fumée quand tout à coup, un camion Ford F-350, garé dans un espace réservé aux voitures électriques, a pris feu et explosé, projetant dans les airs une trentaine de CD de Céline Dion. L’un d’eux a percuté u

(3 de 3) SOS Fantôme

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      Dring, dring, le téléphone sonne. Déjà ? De bon matin, il est 6 h. Vous aviez prévu de vous lever tranquillement, d’apprécier l’odeur du petit déjeuner et d’aller au soleil, aujourd’hui il fait plus de 25°. Seulement voilà, votre téléphone sonne. Ouvrant un œil, vous apercevez un prénom : Mélanie. Elle a encore besoin de vous pour régler un problème, elle vous a déjà appelé hier. Vous ouvrez les yeux, vous vous tournez vers le téléphone et… -       Allô ? -       Allô Danielle (une petite voix tremblante de peur), c’est Mélanie. Ça vient de se produire à nouveau. Je te jure… j’ai entendu des pas dans le corridor. Aussitôt, je me suis levée et je suis allée voir au judas optique. Elle m’est apparue exactement comme la semaine dernière : une lumière verte se déplaçant avec une sorte de sac blanc luisant. Je te le dis, c’est un fantôme, un vrai ! -      Calme-toi, calme-toi Mélanie. (Prenant une voix innocente) Que dit Michel de ton fantôme ? -       Michel n’est pas là :

Balade en Estrie par un beau dimanche d'octobre

  −     Sam [1] , es-tu prête? −     Dans une minute, Raymond. Je finis de remplir la glacière. Je veux simplement faire une petite balade en voiture, question de voir les couleurs de l’automne, mais Sam, ma conjointe depuis quatre décennies, voit la chose autrement. Pour elle, nous partons en expédition! D’où le gros lunch, la glacière contenant des jus, des boissons gazeuses et de l’eau – il paraît qu’à notre âge, on est vite déshydraté – et du linge au cas où. Au cas où quoi? Je l’ignore. Un bidon d’essence avec ça? Bon, ça y est, Madame est prête, on peut partir. Pour où demande-t-elle avec un soupçon d’inquiétude dans la voix. Pour un nowhere que je lui réponds, en ajoutant pour la rassurer, direction Baldwin Mills. 10-4, reçoit ma navigatrice en allumant le GPS. Aussitôt une voix chaude et virile demande notre destination. Baldwin Mills répond Sam toute heureuse de converser avec un jeune inconnu. Une pancarte annonce Tomifobia sur notre gauche. Au   croisement, je tou

Danse sociale

    À l’aube de mon quart de siècle, je consacrais tous mes samedis soirs à la danse sociale dans un night-club du centre-ville. Cette sortie était d’autant plus importante pour moi que j’étais toujours célibataire malgré mon physique avenant, mes bonnes manières – fruit d’une éducation religieuse sévère –, et mon poste permanent de fonctionnaire provincial avec, à la clé, un fonds de pension. Lorsque j’arrivais au night-club, j’avais habituellement les hormones au plafond. C’est ainsi qu’un samedi d’avril 1975, je fis tardivement mon entrée. Plus tôt, je m’étais douché, parfumé et vêtu avec élégance. Ensuite, fébrile, je m’étais installé sur l’unique fauteuil de mon studio pour suivre d’un œil distrait la partie de hockey, question de passer le temps, et fixer de l’autre l’horloge murale qui tictaquait lentement les secondes comme si le temps s’étirait sans fin au fil de mon attente. Pas question d’arriver parmi les premiers au night-club : c’eût été montrer ma désespérance de ren