(1 de 2) Lettre du Père Noël à Cédric
Bonjour
Cédric,
Habituellement,
je commence ma lettre en disant « Bonjour mon petit … », mais quand
j’ai vu que tu avais douze ans, je me suis ravisé.
Ne
trouves-tu pas, Cédric, que tu es un peu vieux pour écrire au Père Noël? Tu ne
me feras pas accroire que tu crois encore à ce personnage publicitaire inventé
par Coca-Cola dans les années 1930.
Ensuite,
c’est quoi cette idée de demander un gros cadeau dispendieux au Père Noël? Un
vélo de montagne bleu à vingt-et-une vitesses avec cadre en aluminium, freins à
disque et double suspension. Je viens de vérifier sur le site de Canadian
Tire et ton vélo se vend huit cents dollars! Tu penses pas que tu exagères
un peu dans tes demandes? Imagine-toi s’il fallait que le Père Noël distribue
des vélos de huit cents dollars à tous les enfants du Québec. Que dis-je, à
tous les enfants du monde! Le Père Noël devrait déclarer faillite dès le
vingt-six décembre. Même Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, ne pourrait
payer la facture.
As-tu
pensé au traîneau du Père Noël : il est bien trop petit pour transporter
le vélo que tu demandes. Il faudrait que le Père Noël ait un train de traîneaux
pour transporter toutes les bicyclettes que les enfants lui demandent. Imagine
une minute la tête des rennes en voyant le train de traineaux. Je te parie
qu’ils se mettraient immédiatement en grève!
Écoute
Cédric : faut pas demander des cadeaux impossibles à quelqu’un en qui tu
ne crois même pas. Et le coup du divorce de tes parents qui te cause de la
grosse « pé-peine » pour justifier ta demande exorbitante, ça
ne prend pas avec moi.
As-tu
idée du nombre de parents qui se séparent chaque année au Québec seulement? Des
milliers, Cédric, des milliers. Cela veut dire qu’il y a des milliers d’enfants
comme toi qui passent actuellement une semaine chez leur mère et l’autre chez
leur père. Estime-toi donc plutôt chanceux d’avoir deux parents qui t’aiment.
Ça c’est précieux et beaucoup plus rare que tu ne le penses.
Prends
moi, par exemple. Je n’ai connu ni mon père ni ma mère. Aucun des deux ne
voulait de moi. Je te jure que ce n’est pas drôle d’être un enfant non désiré.
Dès ma naissance, on m’a ballotté d’une famille d’accueil à l’autre. Personne
n’a voulu me garder bien longtemps. À seize ans, j’ai volé mon premier char. À
dix-huit ans, j’ai purgé ma première peine de prison. J’ignore où j’aurais
abouti si je n’avais finalement
rencontré un couple très patient et, surtout, très compréhensif qui m’a aidé à
prendre ma vie en main et à dénicher cet emploi de Père Noël chez Postes
Canada Post. Depuis, je télétravaille dans le sous-sol de leur maison et
j’attends, comme tout le monde, que ce maudit virus soit disparu de la Terre
pour reprendre le cours normal de mon existence.
Moi
aussi, je veux des choses dans la vie, plusieurs même. Pas juste un vélo de
montagne. Mais, je n’écris pas au Père Noël pour ça. Je fais plutôt tout ce
qu’il faut pour éventuellement avoir mes propres affaires, ma propre petite
famille à aimer. Sache que j’aimerais même, un jour, avoir un garçon comme toi.
Pense à
tout ça Cédric. Apprécie la chance que tu as d’avoir tes parents. Je te suggère
aussi de leur demander des cadeaux tout simples et raisonnables pour Noël.
Surtout, je te recommande de profiter de ce temps des Fêtes pour leur dire que
tu les aimes.
Cordialement, Jacques (alias le Père Noël de Postes Canada Post)
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