Florent
Florent
enserrait l’arbre du mieux qu’il pouvait. Le visage collé contre l’écorce rugueuse,
les yeux clos, le jeune homme écoutait le bruit du vent, le chant des oiseaux,
le vol des insectes, et laissait le soleil chauffer son visage.
Tranquillement, son cœur se calma et Florent put libérer ses pensées. Il ne voulait plus
revenir à la maison, ni retourner à la polyvalente. Il ne voulait plus entendre
ses parents lui dire de faire attention, de ne pas faire ceci, d’éviter cela.
Il ne voulait plus voir les autres élèves détourner le regard, s’écarter de
lui, ni les entendre chuchoter dans son dos. Il souhaitait juste rester ici
avec son ami l’arbre, un être fort, toujours là pour le soutenir, pour écouter
ses monologues. Le seul être qui le comprenait et qui ne le jugeait pas.
Florent
savait qu’il pouvait compter sur l’arbre. Il était déjà là à sa naissance et le
serait tout probablement à sa mort. Que demander de plus à un ami? Quand il
restait silencieux trop longtemps, l’arbre bruissait des feuilles pour
l’inciter à reprendre son monologue.
Aussi,
Florent n’hésitait-il pas à confier à l’arbre tous ses rêves : ce qu’il
aimerait faire demain, l’été prochain, ce qu’il voudrait devenir dans la vie.
Plus important encore, l’arbre était le seul être à qui Florent osait parler de
Camille, la fille du fermier voisin dont il était secrètement amoureux depuis
la plus tendre enfance.
Camille
était belle comme la fleur de l’iris versicolore. Elle avait de longs cheveux
châtain clair, de grands yeux vert émeraude et une peau, … une peau douce,
soyeuse, chaude. Une peau sur laquelle Florent avait déjà posé la main, ce qui
avait eu pour effet d’accélérer le rythme de son cœur et de rosir ses joues
imberbes. Une peau sur laquelle Florent aimerait poser ses lèvres. Quand il
voyait Camille, c’était comme si le soleil se levait et chassait la noirceur de
son existence. Camille rayonnait de joie et le faisait rire avec un rien.
À
l’occasion, elle venait chez Florent après l’école pour qu’ils fassent leurs
devoirs ensemble ou simplement pour regarder la télévision. Généralement, ses
parents la gardaient à souper, ce qui donnait plus de temps à Florent pour
emmagasiner des images, des sons, parfois même une odeur. Une fois couché, il
revivait un à un ses souvenirs du jour et attendait patiemment que le sommeil
le gagne pour rêver de leur prochaine rencontre, d’un autre effleurement des
mains et, surtout, de leur premier baiser.
Florent
décrivait pour la énième fois ce premier baiser à l’arbre quand soudain son
étreinte se desserra quelque peu. Aussitôt, il sentit ses jambes le
trahir et il tomba lourdement sur le sol. Une chute de pression,
pensa-t-il! Il s’assit au pied de l’arbre et attendit que le sang circule à
nouveau normalement dans son corps. Il étira ensuite le bras et tira le
fauteuil roulant jusqu’à lui. Péniblement il se hissa dans le fauteuil. Il
salua avec effusion son ami l’arbre et, à regret, prit le chemin du retour vers
la maison familiale.
L’arbre
et Florent avaient cela en commun : ils ne
pouvaient marcher.
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