Jérémie

L’année de mes seize ans, mon père, alors patrouilleur à la Sureté du Québec, a été muté à Magog. Lui et moi sommes déménagés au cœur de l’été, ce qui ne me laissa guère le temps de me faire de nouveaux amis avant de commencer ma cinquième secondaire. La rentrée scolaire fut donc difficile : mes collègues de classe se connaissaient depuis des années et formaient des groupes très fermés. Quelques-uns se sont montrés curieux à mon égard, sans plus. Tous les autres ne m’ont manifesté que de l’indifférence. Heureusement, j’avais un as caché dans ma manche : j’excelle dans plusieurs sports, notamment au volleyball et au hockey. J’ai choisi d’intégrer l’équipe scolaire de volleyball, y faisant rapidement ma marque en tant que redoutable attaquant. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Cédric, un des passeurs de l’équipe. Cédric vivait avec sa mère, Nathalie, infirmière au CHU régional.

Cédric et moi nous sommes rapidement liés d’amitié. Après l’école, nous nous retrouvions le plus souvent chez lui pour jouer à des jeux vidéo et, surtout, pour dévorer l’excellente nourriture que nous préparait Nathalie.

À cette époque, Nathalie devait avoir moins de 40 ans. C’était une belle grande brune que son métier gardait très en forme. Elle prenait un plaisir fou à nous concocter de bons petits plats. Entre deux bouchées, je la complimentais sur ses talents culinaires ou répétais à Cédric combien il était chanceux d’avoir une mère comme elle. J’ai d’ailleurs réalisé plus tard que les mères comme Nathalie sont en fait très, très rares. Après le souper, je suivais habituellement Cédric dans sa chambre pour étudier (si, si!) et regarder la télévision. J’ai fini par dormir là plusieurs fois par semaine. Je crois bien que mon père ne s’en est jamais aperçu.

À l’occasion, il m’est arrivé d’aller chez Cédric pour me faire dire par Nathalie qu’il était allé voir son père dans la métropole. Nathalie m’invitait alors à souper et nous passions la soirée ensemble à attendre le retour de Cédric. S’il ne revenait pas ce soir-là, je couchais dans son lit. À son retour, Cédric avait toujours plein d’anecdotes à me raconter. Nous veillions tard ces soirs-là. Puis Cédric s’endormait, épuisé de sa journée, mais tout heureux de nos retrouvailles. J’attendais un moment avant de m’étendre auprès de lui avec, aux lèvres, un goût d’éternité.

Malheureusement, l’éternité est éphémère. Dans mon cas, elle a pris fin au retour du congé des Fêtes. Cédric est arrivé à l’école en beau fusil. Il s’est dirigé droit sur moi et m’a dit qu’il ne voulait plus rien savoir de moi. Il m’a même interdit de m’approcher de sa maison. Vu qu’il était pompé, je n’ai pas cherché à savoir ce qui s’était passé ou dit. J’ai pris mon trou et fait le deuil de notre amitié. Le lendemain, j’ai annoncé à l’entraîneur que je quittais l’équipe de volleyball.

De toute façon, je m’étais fait d’autres amis depuis l’automne, dont Alexandre, un hockeyeur prometteur qui vivait avec sa mère pas très loin de l’école. J’ai  immédiatement joint l’équipe de hockey d’Alexandre. Je me suis mis à le fréquenter jusqu’à m’en faire le meilleur des amis et être invité chez lui pour goûter la cuisine de sa mère. Danielle ne cuisinait pas aussi bien que Nathalie, mais elle m’a rapidement fait oublier la grande passion que j’avais vécue avec la mère de Cédric le temps d’une saison.




Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Super Colette. Chap. 1 : Permettez-moi de me présenter

Le résidence Les Lucioles

Marc-Antoine