Lettre à Majid

 

Bonjour Majid,

Je m’appelle Noémie et j’ai 16 ans. Je viens de terminer mon secondaire IV, c’est-à-dire ma dixième année de scolarité, à la polyvalente de Magog. Je suis inscrite au programme Sport-études, ce qui me permet de pratiquer mon activité préférée, le ski alpin.

C’est mon père qui a eu l’idée de cette lettre. Il a lu une annonce dans le journal comme quoi des francophones étrangers recherchaient des correspondants québécois. Il est revenu à la maison avec une douzaine de photos, dont la tienne. Regarde la photo de ce Majid, m’a-t-il dit, je crois que c’est un jeune maghrébin de ton âge.

Je t’avouerai, Majid, que j’ai examiné attentivement ta photo. J’ai bien aimé ces mèches bouclées qui dépassent de ton grand foulard-turban bleu indigo. J’ai vérifié sur l’Internet et – tu me corrigeras si je me trompe - ça s’appelle un chèche. Le tien mesurerait entre quatre et huit mètres de long. Impressionnant ! J’ai aussi vu que le chèche recouvre habituellement le bas du visage. Sans doute pour te protéger du sable du désert. Ne le prends pas mal mais en te voyant, j’ai pensé aux musulmanes voilées, ce qui m’a fait sourire. Dans ton cas, le chèche donne de la profondeur à ton regard et te rend un peu mystérieux. Je crois bien que c’est ce qui m’a décidé à t’écrire. Quoi ? Ça, je n’en avais aucune idée.

Papa, je crois bien que Majid est un touareg. Qu’est-ce que tu veux que j’écrive à un gars qui vit dans le S-A-H-A-R-A, lui ai-je demandé en épelant le mot pour qu’il comprenne bien comment tout ça était loin de la réalité de Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver (air folklorique québécois)? Je ne connais rien de sa vie, de la musique qu’il aime ou des sports qu’il pratique. Si ça se trouve, il se déplace à dos de chameau et ignore ce qu’est Netflix. Justement, m’a répondu le paternel-tout-fier-d’avoir-réponse-à-tout, pose-lui des questions. Parle-lui de toi, de ce que tu fais, de ce que tu aimes. Je suis sûr que ça va l’intéresser. Je pense, ajouta-t-il sans que je le lui demande, que correspondre avec Majid pourrait t’ouvrir sur le monde, t’aider à réaliser que ton pays, c’est plus que le Québec ou le Canada, que l’autre nous est étranger par simple ignorance, qu’en fait… J’ai essayé de l’arrêter: OK, OK papa, j’ai saisi l’idée, tu peux arrêter ton sermon. Mais lui d’en remettre: qui sait si, un jour, tu ne voudras pas aller rendre visite à ce beau Majid… C’en fut trop: j’ai couru m’enfermer dans ma chambre!

Voici donc, Majid, MA lettre de présentation. Je joins une photo de moi au pied d’une pente de ski avec ma tuque, mon foulard pis mes mitaines. On dit que les Majid sont des personnes très curieuses de nature. Je mise là-dessus pour que tu me répondes rapidement.

Cordialement,

Noémie, une fille ouverte à l’amitié


Source : ecodibergamo.it


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