M&L 9 : La parade du Solstice d'été

  

De : Personnage.Mathis@imaginaire.com

À : Auteur.Passoire@realite.com

Date : 21 juin 2023

Objet : La parade du solstice d'été

 

Bonjour l’Auteur,

Nous espérons que les bonnes nouvelles d’hier ont ravivé ton intérêt pour nos aventures. Faut dire que tu ne nous donnes pas souvent signe de vie. C’est bon signe, m’a dit Laura ce matin : ça veut dire qu’il travaille à fond sur son roman, sur notre roman. Tant mieux alors, surtout que j’ai plein de choses à te relater au sujet de la parade du solstice de Fremont.

Le matin du 21, nous nous sommes présentés à neuf heures à l’un des kiosques de Body painting avec, dans notre sac de plage, les deux passoires de Weaverville et les deux serviettes de plage de Malibu.  Quelle ne fut pas notre surprise de constater que toutes les personnes en attente étaient complètement nues. À Fremont, le Body painting est intégral ! Heureusement, Laura avait eu la bonne idée de mettre dans le sac nos costumes de bain au cas où. Je n’ai pu m’empêcher de réagir durement en voyant plusieurs jeunes filles se faire peinturer les seins et les fesses. Aussi, quand notre tour fut venu, j’ai dit au jeune peinturlureur que je préférais garder la serviette de plage autour de mes reins. Je comprends, a répondu celui qui avait sûrement déjà vu plus que son quota de fesses et de pénis en érection, allez vous asseoir derrière ce drap, on s’occupe de vous dans deux minutes. Ah le coquin : au lieu de venir s’occuper de ma peau, il m’a envoyé une charmante jeune Fremontoise. J’ai cru que j’allais défaillir. Heureusement, elle a rapidement exécuté son travail, négligeant de peindre là où la pudeur perd son nom, ce qui a quelque peu calmé mes sens. Laura et moi avons bien ri en nous voyant tout de couleurs vêtus. Avant de rejoindre le char du Monstre, un employé nous a rappelé deux consignes importantes : interdiction d’afficher des mots, une publicité ou un logo reconnaissable, et interdiction de porter une arme à feu. WOW ! nous n’étions plus aux USA, nous étions en Utopia.

La parade a été quelque chose d’extraordinaire. Nous avons déambulé avec des nuvites à vélo (appelés les Solstice Cyclists), des danseuses de samba toutes de plumes vêtues, des musiciens accoutrés comme dans les films de Disney, des marionnettes géantes, des jongleurs, et nos amis Pastafariens. La foule criait « Pasta, Pasta » en nous voyant. Certains nous lançaient même des confettis. Laura et moi portions chacun un spaghetti de piscine que nous faisions toucher aux enfants. Nos amis saluaient la foule en levant leur passoire ou leur chapeau de pirate. Derrière nous, une chorale de pirates psalmodiait des hymnes au Monstre, dont un inspiré du célèbre YMCA de Village People.

Tout le long de la parade, Laura et moi avons été dans un état second. Ce n’est qu’une fois allongés dans l’herbe de la foire de Fremont que nous avons pu reprendre nos esprits. Laura a dit que nous venions de parcourir le chemin de Damas. Comme je lui répliquais que je n’avais pas noté le nom de la rue, elle est partie à rire et à pleurer comme seuls les gens fourbus et heureux peuvent faire. J’ai ri à mon tour et l’ai serrée dans mes bras. Je t’aime Laura, ai-je susurré dans son oreille. Moi aussi, grand nigaud, a-t-elle répondu en caressant ma joue.

J’ai alors eu une idée. J’ai dit à Laura de m’attendre, que j’avais quelque chose à demander au responsable des Pastafariens. Quinze minutes plus tard, je suis revenu le sourire fendu jusqu’aux oreilles : «  Ma belle Laura d’amour, nous allons terminer notre voyage en beauté. Nous avons rendez-vous dans une semaine avec nos amis Pastafariens dans une forêt au sud d’ici. » Laura n’a rien répondu : elle dormait à poings fermés.

Il est présentement 21 heures à Fremont. Je me dépêche de t’écrire avant que le sommeil ne me gagne moi aussi. Tu voulais, cher Auteur, une fin heureuse à ton roman. Sache que ton vœu va se réaliser. Sache surtout, qu’après ça, tout le monde va se rappeler de Mathis et Laura.

Sur ce, je te laisse. Laura va te raconter la fin de notre voyage la semaine prochaine.

***

Note à moi-même : je suis depuis longtemps devenu le spectateur de mon propre roman. Mes personnages agissent de façon totalement indépendante de mon esprit. Certes, ils vont là où je leur ai initialement suggéré d’aller avec la lettre du pirate Maboule, mais ce qu’ils découvrent dans chaque ville est totalement indépendant de ce que je connais des États-Unis. C’est à se demander si le pays que Mathis et Laura visitent existe réellement. Pourtant, je ne consomme aucune drogue illicite. Même pas quelque chose de léger et légal comme le cannabis.

Se pourrait-il que Mathis soit l’homme que je n’ai jamais osé être? Que Laura soit la femme que j’aurais aimé avoir aimée plus jeune? Que la religion qu’ils ont découverte soit la contrepartie de celle que j’ai subie dans mon enfance ? Il va définitivement falloir que j’en parle avec ma psychologue. Pour le moment, j’attends impatiemment de connaître la dernière étape de leur voyage pour terminer mon roman.



    
Source : Wikipédia


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