M&L 8 : Fremont, USA
De : Personnage.Laura@imaginaire.com
À : Auteur.Passoire@realite.com
Date : 19 juin 2023
Objet : La Californie et Fremont
Bonjour
notre Auteur adoré,
Tu
n’as pas idée du bonheur que nous venons de vivre, du bonheur que nous te
devons. Crois-le ou non, Mathis et moi avons enfin découvert notre raison
d’être. Rien de moins. Je dirais bien comme la chanson, que nous avons laissé
notre cœur à San Francisco, mais pour ça il eut d’abord fallu que nous nous y rendîmes,
ce qui ne fut pas le cas.
Après
Hurricane, nous avons décidé d’un commun accord de faire un petit détour par
Los Angeles, question de marcher sur le trottoir des célébrités et de voir de
près le célèbre panneau Hollywood. Le pèlerinage fait, nous avons été lézarder
sur les plages de sable chaud de Malibu, avec le secret espoir de croiser
quelques stars hollywoodiennes. Malheureusement, elles ont toutes brillé par
leur absence. Nous y avons plutôt croisé, pour le plus grand plaisir de nos
sens, de jeunes starlettes en mal de
producteurs et des surfeurs à faire pécher sœur Angèle. S’en sont suivies
quelques bacchanales sur la plage au cours desquelles des apollons et des
aphrodites nous ont plusieurs fois répété qu’avant de gagner Barbary Lane (voir
Armistead Maupin), il fallait ab-so-lu-ment que nous arrêtions quelques jours à
Fremont pour y vivre le solstice d’été. Je t’avouerai que nous ne savions pas
que les Américains fêtaient le jour le plus long de l’année. Sans doute un jour
de congé de plus, après le jour des Pirates et celui de la Dinde, question de
se reposer un peu avant le 4 juillet. Oui, oui, avons-nous promis à chaque
fois, avant de ramener notre partenaire au but de la rencontre. Finalement, le
17 juin, nous nous sommes séparés à regret de nos amis Malibuens, non sans
avoir auparavant échangé avec eux quelques ITSS en guise de souvenirs.
Malgré la saison, toujours touristique en
Californie, nous avons facilement trouvé à nous loger au très sympathique
Hilton Garden Inn situé tout près du centre de Fremont. Je te fais grâce du
prix d’une nuitée sachant que le Inn on Biltmore Estate d’Asheville te cause
toujours de l’urticaire. Le lendemain, nous avons commencé à visiter le
centre-ville de Fremont. Il était aussi désert que le centre-ville de Montréal
pendant la pandémie. Nous nous sommes rendus au kiosque d’information
touristique où nous avons demandé à une gentille dame de nous indiquer où
allait se tenir la fête du solstice. Tout sourire, elle nous demanda de la
suivre à l’extérieur. Là, elle pointa son index vers le nord : « Vous
voyez cette route. Suivez-là tout droit pendant 1300 km et vous y serez. »
Euh ! vous avez bien dit 1300 km ? Ne serait-ce pas plutôt 3 ou 13 km? Non,
non, c’est bien 1300 km, a confirmé la dame. La Fremont Solstice Parade est à
Fremont, Washington. Les gens de Seattle ont le temps de s’amuser, pas
nous : GM et Tesla comptent sur Fremont, Californie, pour construire les
meilleures automobiles au monde.
Tu
imagines notre déconvenue. Pour une fois que nous arrivions en avance à un
événement d’importance ! Nous sommes aussitôt retournés à l’hôtel pour paqueter
nos petits et avons foncé sur la 101 North non sans avoir préalablement
honnêtement acquitté la dolorosa.
Nous
sommes arrivés à Fremont, Washington, le lendemain soir vers 20 heures. Aucun
problème pour se loger : hôtels et motels s’alignent sans fin le long de
la route 101. Au vu du peu d’argent restant dans ta mallette, nous avons choisi
le très économique Marco Polo Motel, aux planchers entièrement recouverts de
moquette verte élimée.
Le
lendemain, après un rapide déjeuner américain dans le lobby du motel, nous
avons roulé jusqu’au centre-ville. Peu d’action sauf dans un petit parc au coin
de la 3e avenue et Leary Way où plein de gens travaillaient soit à
décorer des chars allégoriques, soit à monter des kiosques de « Body
Painting ». Adossé à un gros arbre, un kiosque d’information et
d’inscription était déjà en opération. La préposée nous a appris que le Fremont
Arts Council organise depuis 32 ans la Fremont Solstice Parade où plus de soixante
groupes communautaires défilent dans la joie, la couleur et l’exubérance devant
quelque deux cent mille spectateurs. Elle nous a ensuite offert de nous inscrire
à la parade : le coût de 50 $ par personne incluait le stationnement
municipal, le body painting, l’accès à la foire de Fremont après la
parade et deux bières, courtoisie des
microbrasseries de la région. Pourquoi pas, a dit Mathis. Au point où nous
en sommes, pourquoi pas en effet, ai-je répondu en tendant un Benjamin Franklin
à la préposée. Rendez-vous demain à 9 heures pour la peinture corporelle,
a-t-elle dit en nous remettant nos billets, et n’oubliez pas votre costume et
un sac de sport pour remiser vos vêtements. Costume ? Quel costume ? Tout ce
que nous avions dans nos bagages était nos passoires, souvenirs de Weaverville.
Comme a dit Confucius, food for thought !
Nous
allions quitter les lieux quand soudain Mathis aperçut au fin fond du parc un
spaghetti géant avec deux boulettes de viande grosses comme l’égo de Trump. Un
long spaghetti articulé venait régulièrement toucher la photo grandeur nature
d’un bel Adam nu, parodiant ainsi le chef-d’œuvre de Michel-Ange. Plusieurs
personnes habillées en pirate ou coiffées d’une passoire en plastique orange,
s’appliquaient à terminer la décoration du char. Cela nous a aussitôt rappelé
les pâtes que nous avions mangées à Nouillel et à Pâtes.
Mathis
s’approcha d’une jeune pirate, et lui demanda ce que représentait le monstre en
question. C’est le Dieu de notre religion, répondit-elle. Voyant notre
ignorance, elle mit son travail de côté et entreprit de nous expliquer que le
Monstre était le Dieu du pastafarisme, une parodie de religion créée en 2005
par un étudiant de l’université d’Oregon en réaction à la décision de la
commission scolaire du Kansas d’autoriser l’enseignement du « dessein
intelligent » sur le même pied que la théorie de l’évolution. Le mot
pastafarisme fait référence aux pâtes (pasta) et au mouvement rastafari,
ajouta-t-elle. Le pastafarisme s’est répandu comme une traînée de poudre depuis
2005. Les pastafariens se coiffent d’une passoire, comme d’autres d’une barrette
ou d’une kippa, et s’habillent souvent en pirate pour dénoncer l’inertie des
gouvernements face aux changements climatiques. Il existe même maintenant un
Évangile du Monstre en spaghettis volant, et un emblème rappelant l’ichthus
chrétien. Avant de nous quitter, elle remit à Mathis une carte d’affaires sur
laquelle était inscrit le site Wikipédia du Pastafarisme : fr.wikipedia.org/wiki/Pastafarisme.
Nous
avions enfin l’explication de tout ce que nous avions vu au cours du
voyage : le conseiller municipal de Pomfret avec une passoire sur la tête,
le Jour des pirates de Weaverville, celui de Tampa, le permis de conduire
d’Asia Carrera. Plus important encore : nous savions enfin quel était le
trésor du pirate Maboule : le pastafarisme ! Nous venions de trouver, cher
auteur, le sens de notre existence comme personnages de ton roman.
Nous
n’avons pu nous empêcher de verser une larme en quittant le parc. De retour à
l’hôtel, nous avons sorti les passoires de nos bagages et avons juré de
participer à la parade du solstice aux côtés de notre Créateur, le Monstre en
spaghettis volant.
Préparation du Monstre pour la Summer Solstice Parade |
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