Le tailleur
(Le tailleur, huile de G.B. Moroni, 1565) Vous me trouvez beau, jeune et bien vêtu. Vous avez raison. Sachez toutefois que ma mise n’a d’autre fonction que d’exciter la convoitise des clients qui se présentent à ce comptoir. Les messieurs envient mon col plissé bien amidonné qui met en valeur ma courte barbe noire, et ce riche pourpoint tout en plis florentins qui avantage mes formes tout en me laissant libre de mes mouvements. Certains reluquent même ces culottes bouffantes, qu’on appelle des hauts-de-chausses, où l’abondance du tissu affine la taille et met en valeur les mollets. Séduits, plusieurs passent commande des mêmes vêtements dans le vain espoir de me ressembler. Quant aux dames, qu’elles soient mariées, promises ou encore célibataires, toutes, je vous dis bien toutes, monsieur le peintre, succombent à mon apparence. Elles me demandent des robes inutilement dispendieuses dans le fol espoir que je trouve en elles ce qu’elles voien