L'arbre assis
Je marchai longtemps dans la forêt avant de trouver l’arbre
que je cherchais. Il m’attendait la ramure bien déployée à quelques mètres du
sol, les racines confortablement appuyées sur un vieux tronc en décomposition.
D’une feuille tombée à mes pieds, l’arbre m’invita à m’asseoir près de lui. Pourquoi
pas ? J’avais encore un peu de temps devant moi tandis que lui avait sans doute
tout le sien. Poussant un long soupir, je posai mon sac à dos sur un rayon de
soleil.
Moi qui avais vainement couru dans tous les sens pour
attraper le succès, je me mis à envier l’immobilité de l’arbre. Envier aussi
son silence, moi qui avais tant crié ma révolte, tant pleuré mes échecs. Une autre
feuille tomba de l’arbre qui doucement vint essuyer mes larmes.
Patience dans l’azur, a dit un grand astronome. Or, de la
patience, je n’en avais plus. J’avais épuisé mes forces à espérer que la chance
enfin me sourie, que la roue de la Fortune enfin s’arrête sur mon numéro.
Comme je me penchais pour saisir mon sac et en extraire
l’outil de ma délivrance, l’arbre poussa un grand cri : Crac ! J’eus un
mouvement de recul. Une branche maîtresse tomba sur mon sac à dos.
Je compris alors que mon heure n’était pas encore venue. Je
lançai mon désespoir au loin et enserrai l’arbre de toutes mes forces. Je te
promets, lui dis-je, de persévérer et de revenir te voir.
Comme je quittais les lieux, une légère brise se leva. J’entendis
distinctement les feuilles de l’arbre bruire de contentement.
Guy Tremblay © 2001-2023
Tous droits réservés
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À la vitesse que
poussent les arbres. Guide de survie en temps de morosité. Publié à compte d’auteur. 2022. |
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