La bonne et le mafioso
« Le
jeune Folco Mondovi sent ses cheveux frisés se dresser sur sa tête lorsque sa
belle maîtresse de 17 ans, Angelina Gravina, lui déclare :
- Si
tu te maries avec Margherita, je me suicide.
À
travers son opulente chevelure sombre, elle appuie le canon d’un revolver sur
sa tempe.
- Rends-moi
ce révolver, demande le jeune homme.
- Viens-le
prendre et tu verras.
Folco
cherche ce qu’il pourrait dire, ce qu’il pourrait faire… C’est que la situation
est particulièrement dramatique : le mariage est dans une
heure. » (Extrait de Quand
les femmes tuent de Pierre Bellemare et Jacques Antoine, 1983.)
Les femmes, la chose est bien connue,
dramatisent tout, même l’amour. Surtout l’amour. Folco en sait quelque chose,
lui qui en a culbuté plus d’une. Mais celle-ci est nettement plus émotive et,
au vu de l’arme qu’elle pointe sur sa tempe, beaucoup plus déterminée que les
autres. L’âge n’a rien à y voir, Folco le sait bien. Ce n’est d’ailleurs pas la
première qui menace de se tuer s’il la quitte. Folco se rappelle tatie Andrea
qui avait menacé de boire une coupe de cigüe après avoir découvert qu’il
fricotait aussi avec sa fille. Folco n’avait alors rien fait, rien dit. Tatie
Andrea avait bu la coupe et en avait été quitte pour une bonne gastro.
Folco allait encore une fois ne rien
dire, pis encore tourner les talons pour rejoindre sa promise, quand il vit la
main tremblante d’Angelina tourner le canon de l’arme vers lui. Si je ne peux
t’avoir tout à moi, déclara la bonne, mineure et inexpérimentée des choses de
la vie, notamment des pulsions sexuelles masculines, alors personne ne t’aura.
Folco accusa le coup. Il sentit soudain le sol se dérober sous ses pieds. En
fait, ce furent ses genoux qui plièrent sous le poids d’un sentiment tout
nouveau pour lui, la peur. Idem pour sa vessie dont les sphincters se
relâchèrent d’un coup.
Angelina comprit que son amant se jetait
à ses genoux pour implorer son pardon et qu’il regrettait maintenant ce mariage
insensé. De sa main libre, elle saisit une boîte de papiers mouchoirs et
s’avança vers Folco pour lui accorder son pardon. Mal lui en prit car elle
glissa sur la flaque d’urine et tomba. En voulant amortir sa chute avec la main
qui tenait le revolver, l’involontaire se produisit. La balle partit, frôla
l’oreille gauche de Folco et alla percuter le petit appareil radio posé sur le
guéridon d’entrée. En tombant, celui-ci se débrancha de la rallonge électrique,
laquelle, tel l’aspic sur la couche de Cléopâtre, glissa vers la flaque de
l’incontinent.
Résultat : Folco et Angelica
moururent électrocutés dans les bras l’un de l’autre. Conséquence : le
mariage n’eût pas lieu et Margherita fut à nouveau libre d’épouser qui voudrait
bien de sa fortune. Morale : ne jamais brancher un appareil-radio à une
rallonge électrique et ce, même si vous êtes convaincue de l’absolue fidélité
de votre amoureux !
Commentaires
Publier un commentaire