Messages

Deux dindons pour Noël

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    Un des grands plaisirs de mon amie Julie est de recevoir tout son monde à dîner le jour de Noël. Elle le fait depuis plus de quarante ans maintenant. Et quand je dis tout son monde, cela inclut les conjoints / conjointes, les amants / amantes, les enfants, les amis (dont moi), même le voisin qui conduit souvent Julie dans son taxi. À nous de décider qui va nous accompagner pour le diner, à Julie de trouver une place pour tout le monde. Bon an, mal an, on parle de nourrir quelque vingt-quatre convives, répartis en deux tablées, une dans la salle à manger et l’autre au salon. Pour l’occasion, Julie fait cuire côte-à côte deux gros dindons bien farcis avec les abats, des oignons et de la chapelure de pain. Surtout, elle suspend dans le passage quelque vingt-quatre énormes bas de Noël sur des crochets. Chaque bas porte le nom d’un convive et chaque convive doit, à son arrivée, glisser un petit cadeau dans chaque bas. Ici, seul le geste compte : le prix payé n’a aucune importance. U

J'avais trois ans la première fois

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    Vous rappelez-vous du temps où on disait que les enfants étaient hauts comme trois pommes. C’est en plein de ce temps-là dont je veux vous parler aujourd’hui. J’étais effectivement très petit et tout était trop haut pour moi : la chaise de cuisine sur laquelle il me fallait grimper pour manger, la table qui m’obligeait à me mettre sur les genoux pour atteindre mon assiette. Même les poignées de porte étaient trop hautes pour moi. Et je ne vous parle pas de mon lit auquel il me fallait accéder en montant les trois marches d’un escabeau et dont je ne pouvais descendre pendant la nuit car, chaque soir, maman en montait les ridelles soi-disant pour me protéger. Vous comprendrez que si j’avais envie pipi à deux heures du matin et que je ne voulais pas faire dans ma belle couche-culotte fleurie, il me fallait pleurer très fort pour réveiller mes parents. En fait, maintenant que j’y pense maintenant, il y avait juste mon pot de chambre qui était à la bonne hauteur pour moi. Heureuseme

Vers d'oreille

    -       Jacinthe ? -       Oui mon trésor ! -       Où sont les cotons-tiges ? -       Dans le premier tiroir de ma table de chevet. Pourquoi ? -       Je veux me débarrasser d’un ver d’oreille qui m’a gardé éveillé toute la nuit. -       … Ah oui ! Lequel mon amour ? -       Te rappelles-tu quand je t’ai rencontré ? -       Plus ou moins. Je crois bien mon chéri que j’ai croisé ton regard pour la première fois mercredi le 12 juillet 1972 au Dairy Queen de la rue Christophe-Colomb, aux alentours de vingt heures. Tu portais des jeans que tu avais découpé avec des ciseaux pour t’en faire des shorts, une chemise fleurie très échancrée, des … -       OK, OK Jacinthe, tu as toujours une aussi bonne mémoire. Pour ma part, c’est beaucoup plus flou. Tout ce dont je me rappelle précisément, ce sont tes beaux grands yeux bleus. En les voyant, il m’était aussitôt revenu en mémoire un vieil air de Tino Rossi que ma mère aimait fredonner en régnant sur notre foyer. C’est juste

Hennisse qui mal y pense (ou La biopic d'Eustache)

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  Je suis né en Angleterre, non loin du château de Windsor, dans une étable très bien entretenue. C’est ma propriétaire, une Dame de la haute noblesse, très francophile, qui m’a donné ce nom d’Eustache. Mon enfance fut très heureuse : j’avais un lad particulier pour voir à mon entretien, et un jockey attitré pour m’entraîner à la course. Un beau jour, la Dame a déclaré que j’étais prêt. Le jockey a commencé à me faire concourir sur les plus grandes pistes en terre battue du Royaume-Uni. Finalement, en 2016, j’ai gagné le Grand National à Liverpool. Pour me récompenser, la Dame a décidé de me confier la reproduction de tout son haras. À l’instar de Roberto Benigni, je chantais La vita è bella ! Pour tout vous dire, je n’avais jamais été dans un haras avant ce jour-là. J’avais passé les cinq dernières années à voyager d’une piste à l’autre, d’un paddock à l’autre. Aussi, quand le lad m’a fait entrer dans le long corridor menant à l’enclos extérieur, je suis devenu très nerveux. J’i

Le fantôme de grand-maman

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    -        Bouh ! -     (Sursaut) Ah, bonjour grand-maman ! Je me doutais bien que, encore cette année, tu reviendrais me hanter à la veille de l’Halloween. -        Qu’est-ce que tu veux, tu as toujours été mon petit-fils préféré. -       J’imagine que tu veux encore répondre à la porte dimanche et faire peur aux enfants ? -        Naturellement. C’est mon second plaisir annuel après celui de te voir  😊 Aussi, n’oublie pas que tu as droit à trois questions à chacune de mes visites. Comme tu viens de m’en poser une, il ne t’en reste que deux. -        Zut alors, j’avais complètement oublié ! En revanche, si je me rappelle bien, tu n’as jamais répondu à ma troisième question l’an dernier. -        Qui était ? Que veux-tu, j’en oublie parfois des bouts dans l’au-delà. -        Justement, c’était ça ma question : à quoi ressemble l’au-delà ? -        Pour être honnête, je ne le sais toujours pas. Il fait noir la plupart du temps et quand un éclair tombe, je vois plus

La maison de poupées

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    Ma mère était très méchante avec moi, surtout depuis que mon père avait sacré son camp le jour de mes quatre ans. Freud aurait sans doute dit qu’elle reportait sur moi sa colère d’avoir été laissée-pour-compte. Surprotectrice, donc rigide et contrôlante, elle m’interdisait plein de choses, la principale étant d’avoir une poupée. Chaque fois que je lui en faisais la demande, ma mère me répondait que ce n’était pas un jouet pour un beau garçon comme moi. Puis, elle allait chercher mes autos miniatures et le grand tapis vert sur lequel étaient imprimées des routes et des maisons. Tiens, disait-elle, joue plutôt avec tes autos, ça va t’aider à devenir un homme. Si j’avais le malheur d’insister, alors ma mère se fâchait et me flanquait une bonne gifle en criant « Je ne veux pas que tu finisses tapette comme ton père ». J’ignorais la signification de ce mot. Je comprenais seulement que si je me mettais à jouer avec des poupées, ça finirait mal pour moi. Aujourd’hui, je me dis que si ma

Le service à thé de ma tante Marthe

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    Ma tante Marthe possédait un service à thé pour le moins étonnant : sur chaque pièce était reproduite une fresque du célèbre lupanar de Pompéi. Telle tasse montrait un individu observant par la porte entrebâillée un couple en train de pratiquer la brouette, telle autre deux adeptes d’herboristerie. Un pénis en érection servait d’anse aux tasses. La pièce la plus remarquable du service était sans contredit la théière sur laquelle l’artiste avait reproduit le mythe des Agélastes ensorcelées par l’énorme phallus du demi-dieu Poisse. Complétaient le service des soucoupes montrant des nus fessus accrochés à des bouées et des petites cuillères avec des cafards en train de copuler. Inutile de vous dire que plus d’un invité a été mortifié en voyant cette débauche pour le moins inoubliable. Pour sa part, ma tante était très fière d’avoir réussi son cours de peinture italienne sur poterie. Source : italian-traditions.com Note : il s'agit ici d'un exercice d'écriture. Il fallait