Messages

Lettre à Majid

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  Bonjour Majid, Je m’appelle Noémie et j’ai 16 ans. Je viens de terminer mon secondaire IV, c’est-à-dire ma dixième année de scolarité, à la polyvalente de Magog. Je suis inscrite au programme Sport-études, ce qui me permet de pratiquer mon activité préférée, le ski alpin. C’est mon père qui a eu l’idée de cette lettre. Il a lu une annonce dans le journal comme quoi des francophones étrangers recherchaient des correspondants québécois. Il est revenu à la maison avec une douzaine de photos, dont la tienne. Regarde la photo de ce Majid, m’a-t-il dit, je crois que c’est un jeune maghrébin de ton âge. Je t’avouerai, Majid, que j’ai examiné attentivement ta photo. J’ai bien aimé ces mèches bouclées qui dépassent de ton grand foulard-turban bleu indigo. J’ai vérifié sur l’Internet et – tu me corrigeras si je me trompe - ça s’appelle un chèche. Le tien mesurerait entre quatre et huit mètres de long. Impressionnant ! J’ai aussi vu que le chèche recouvre habituellement le bas du visage.

Berthilde

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  Le chevalier teuton, Othon de son prénom, se désespérait de marier sa fille Berthilde. Elle allait avoir 25 ans dans deux semaines et pas un seul prétendant ne s’était encore manifesté. Pourtant sa fille avait des hanches larges propres à assurer une nombreuse descendance à l’homme pour le moins besogneux, et une poitrine suffisamment généreuse pour nourrir des triplés. Mais il y avait un hic à l’affaire. Ou plutôt deux. Berthilde avait une voix de crécelle qui n’incitait aucunement à la concupiscence. Et, fait plus important, l’empereur avait donné bien peu de terres en apanage à Othon : quelque deux mille feux seulement, disséminés dans les vaux de la Haute-Bavière. Pourtant le chevalier avait guerroyé quatre ans avec lui en Terre Sainte. En son nom et en celui du Christ, il avait occis des hommes, violé des femmes, asservi leurs enfants, notamment Barnabé, un juif aux papillotes blondes – allez savoir d’où lui venait ce cheveu ! - qui le servait aujourd’hui à titre de fou. Othon

Jérémie

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L’année de mes seize ans, mon père, alors patrouilleur à la Sureté du Québec, a été muté à Magog. Lui et moi sommes déménagés au cœur de l’été, ce qui ne me laissa guère le temps de me faire de nouveaux amis avant de commencer ma cinquième secondaire. La rentrée scolaire fut donc difficile : mes collègues de classe se connaissaient depuis des années et formaient des groupes très fermés. Quelques-uns se sont montrés curieux à mon égard, sans plus. Tous les autres ne m’ont manifesté que de l’indifférence. Heureusement, j’avais un as caché dans ma manche : j’excelle dans plusieurs sports, notamment au volleyball et au hockey. J’ai choisi d’intégrer l’équipe scolaire de volleyball, y faisant rapidement ma marque en tant que redoutable attaquant. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Cédric, un des passeurs de l’équipe. Cédric vivait avec sa mère, Nathalie, infirmière au CHU régional. Cédric et moi nous sommes rapidement liés d’amitié. Après l’école, nous nous retrouvions le plus s

Épidémies et familles

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  Étude du rôle des épidémies dans la recomposition des familles québécoises au XXIe siècle. SRAS (2002-2003) Jackie vit heureuse à Chicago avec Tom et leur fille Claire. Certes, elle se retrouve souvent seule, Claire étudiant maintenant à l’université et Tom parcourant toujours le pays pour gérer les contrats de ses clients, des joueurs de basketball professionnels. Mais Jackie a trouvé à s’occuper : elle est guide culturelle au Field Museum. Cela l’accapare une vingtaine d’heures par semaine, ce qui lui laisse assez de temps pour ses loisirs et l’entretien de son réseau social. Malheureusement, le long fleuve tranquille de Jackie est interrompu un soir d’automne par un appel d’urgence en provenance de Toronto : son mari a contracté le SRAS et se trouve aux soins intensifs du St. Michael’s Hospital. Le temps qu’elle réserve un billet d’avion, un second appel lui annonce le décès de Tom. Le deuil est difficile à porter pour Jackie, qui perd un vieux compagnon de vie, et pour Claire

Avec un seul espoir en tête

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  Adolescent, Fabrice était sûr de lui. À en friser la suffisance. Il avait un physique agréable, une taille et une musculature qui lui permettaient de pratiquer tous les sports, surtout le hockey. Sa beauté lui valait d’avoir plein d’amis et de jouir de l’indulgence de ses parents. J’oubliais de vous dire qu’il avait des yeux pleins de candeur et des cheveux bouclés châtain clair. Les traits de son visage étaient ainsi tournés que Fabrice semblait toujours sourire, toujours être heureux.   Or, c'était loin d'être le cas : Fabrice souffrait d’un manque cruel d’intelligence. Déjà au secondaire, il enviait ses amis de comprendre rapidement les mathématiques, les sciences. Même la biologie, une science pourtant facile, restait un mystère pour lui. Écologie, photosynthèse, méiose : ces mots n’allumaient aucune lumière dans son cerveau.   Fabrice devait son diplôme d’études secondaires à l’aide apportée par ses amis et à la clémence des enseignants. Idem pour son diplôme d’étude

Travailler pour le roi de Prusse

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  Radio-Canada, lundi 10 août 2020, 11 h 20. Bulletin spécial : les Correspondances d’Eastman reportent le dévoilement des cinq gagnants du Concours Interlettre 2020 au 14 août prochain. La raison invoquée : Les lettres de nos finalistes sont toutes si intéressantes qu’il s’avère très difficile de trancher. Or, nous tenons de source sûre, c.-à-d. d’une des treize finalistes du Concours, que les membres du jury se sont crêpés le chignon. La situation semble donc plus grave qu’annoncée. Le Canada va-t-il vivre une nouvelle affaire Nathalie Bondil ? Devant cet imbroglio qui paralyse la rentrée littéraire de 2020, les réactions dans le monde n’ont pas tardé à se faire connaître. Voici une compilation des courriels reçus: « Rien de tout cela ne serait arrivé si j'avais participé à ce concours. J'aurais gagné haut la main, même sans jury.   La gauche littéraire est responsable de ce marasme! Déménagez le concours aux États-Unis... DONALD THE GREAT, président du pays le plus p

Maux de passe

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            La mémoire est une faculté qui oublie. Je l’avais oublié!        La semaine dernière, on m’a livré mon nouvel ordinateur portable. Une pure merveille de légèreté et de puissance, équipée du tout nouveau Rédacteur de Word qui va me permettre d’écrire des chefs-d’œuvre. Je vais enfin pouvoir me débarrasser de mon   vieux (six ans) portable poussif et famélique.        Donc, j’ouvre la merveille et pèse sur le bouton ON. Aussitôt, une voix féminine prénommée Cortana, me demande en anglais, please , mon mot de passe Microsoft pour installer Windows X. J’ai beau chercher dans tous mes agendas, je ne le trouve pas. Qu’à cela ne tienne, je crée un nouveau compte Microsoft avec un nouveau mot de passe. Ça marche! Ouf! Je note le tout sur un bout de papier.        Maintenant, je dois configurer mon adresse Gmail pour pouvoir recevoir mon courrier sur le nouveau portable. À nouveau, Cortana me demande gentiment mon mot de passe. Comme depuis toujours, mes courriels s’affichent a