Messages

Emma 4 : Le Relais

              −     Dis maman, où est-ce qu’on s’en va ? Emma et sa mère viennent tout juste de quitter la maison. Emma serre dans son bras gauche Patapon, son gros ourson en peluche noir et blanc. Plus tôt, sa mère lui a fait enfiler un T-shirt , un capri marine, un survêtement molletonné bleu ciel et, surtout, ses espadrilles blanches dont les talons s’allument à chaque pas.   −     Pas tellement loin d’ici ma belle. Nous allons au Relais, un centre de jour où les enfants comme toi peuvent sociabiliser et s’amuser ensemble. −     Tu vas jouer avec nous maman? −     Non, pas aujourd’hui. Mais, je ne serai pas loin de toi, juste de l’autre côté de la clôture du centre. Comme elles s’approchent du Relais, elles entendent les cris des enfants dans la cour. Emma devient tout excitée. −     Regarde maman, les enfants jouent au ballon, tout comme au parc devan...

Blaireau et Coyote

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  En ce temps-là, j’habitais en face d’un bloc à appartements qui ne payait vraiment pas de mine. Trois étages, quatre logements par étage, plus quatre garçonnières au sous-sol pour les étudiants. Le premier jour de chaque mois, un homme trapu portant de grosses lunettes noires venait collecter les loyers. Les locataires l’appelaient avec dédain Blaireau en raison de sa démarche lourdaude et de ses doigts gras aux ongles très longs qui leur arrachaient le peu d’argent qu’ils possédaient. Certaines mères monoparentales étaient même obligées de se prostituer à partir de la mi-mois pour arriver à nourrir leurs enfants. Blaireau n’avait que faire de leurs jérémiades, encore moins de leurs demandes de réparation. Il ne faisait rien sans une injonction de la Régie du logement et, même alors, il ne faisait que le strict nécessaire! Aussi, il n’hésitait pas à expulser les étudiants du sous-sol qui ne pouvaient acquitter leur loyer à temps. Blaireau les appelait ses souris et les traitait c...

Smirra

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Dans la salle d'audience du palais de justice. L’huissière : « Veuillez vous lever pour accueillir madame la juge. » La juge entre et prend place. De nouveau, l’huissière : « Veuillez vous assoir. L’audience est ouverte. » La juge : « Accusée, levez-vous. Madame la greffière, veuillez lire l’acte d’accusation. » La greffière : « Comparait devant la Cour ce matin une renarde rousse nommée Smirra, accusée de s’être introduite par effraction dans le poulailler de la ferme à l’entrée sud de la ville, d’avoir occis par crocs et griffes un coq et une poule, et d’avoir dévoré cette dernière. La juge : « Smirra, plaidez-vous coupable ou non coupable à ces trois chefs d’accusation? » Smirra regarde son avocate un long moment avant de déclarer : « Je plaide coupable à l’ensemble des accusations votre Honneur. » Des murmures se font entendre dans la salle. La juge donne un coup de maillet : « Siiiiilence ! Silence...

Fringant

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   Fringant ! Le fermier avait pensé bien faire quand il avait appelé ainsi son nouveau poulain  Cob Gypsy  parce qu’il ne tenait pas en place. Mais, quinze ans plus tard son nom n’attire plus que moqueries et rires. Seule son amie Mafalda, une vache canadienne à la robe rousse, ne se paie pas sa tête. Et pour cause : elle a le même âge que lui. Ils ont vieilli ensemble, lui comme animal de trait, elle comme laitière. Force et lait leur manquent depuis plusieurs années, mais le fermier ne peut se résoudre à s’en départir. Plutôt que de faire boucherie, il les garde comme animaux de compagnie. Nous sommes quand même plus utiles qu’un chien ou un chat, aiment dire les deux mammifères domestiques : nous, au moins, nous tondons le pré et produisons un fumier qui engraisse la terre. Aussi, l’urine de cheval est bonne pour éloigner les coyotes du poulailler et, tous le savent, la canadienne sait se montrer affectueuse quand il le faut. Nos deux bêtes ont aussi leurs d...

Mafalda

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   Le présent texte fait suite à « Fringant », populaire opus paru aux éditions La Pléiade il y a 15 jours. Je rappelle ici les dernières lignes de ce chef-d’œuvre : −      … Je soigne toutes les maladies et je rajeunis ce gentil mamm... −      ….. −      ….. Fringant n’entend plus rien. Pis, aucune douleur n’est disparue. Il n’ose ouvrir les yeux. Après quelques instants, il n’en peut plus : il l’appelle tout bas : −      Luciole ?    Luciole ? Puis, plus fort : − LUCIOLE ? *****      −      Comment m’as-tu appelée ? Ce n’est pas la petite voix haut perchée de Luciole. Fringant ouvre les yeux. Mafalda se tient exactement là où se tenait Luciole. −      Mais, mais, mais… (la gorge soudainement nouée, Fringant ne peut terminer sa phrase) −      Meuh, meuh meuh quoi ? Tu n’es pas content...

Luciole

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  Enfin le solstice d’été ! Luciole n’est pas frileuse mais, aime-t-elle répéter à qui veut bien l’entendre, Mardi Gras que la chaleur tarde à venir au Québec ! À chaque fois, ses sœurs Luciole et Luciole lui répondent avec une pointe d’exaspération dans la voix, que leur mère tenait de sa mère qui le tenait de sa mère, etc., etc., etc., que dans le temps, les Lucioles québécoises devaient attendre au mois d’août pour connaître, comme Marie-Thérèse Fortin et François Arnaud, les  Grandes Chaleurs . À chaque fois aussi, le cœur de Luciole se met à battre la chamade à l’évocation du beau François. Ici, il me faut vous expliquer que, chez les Lucioles, grandes chaleurs riment avec saison des amours, surtout – soyons francs – avec  coitus non-interruptus et multiplus . Eh oui ! Vous comprenez mieux maintenant l’impatience de Luciole. Malheureusement, Luciole a beau tourner ses senseurs visuels vers tous les points épiscopaux, cardinaux et verticaux : pas le moindre fréné...

Kröm

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  Les gens de la région l’appelaient par son diminutif, Kröm. Son nom complet, d’origine allemande, était trop difficile à prononcer. Tout comme d’ailleurs le nom de l’endroit où il vivait : monadnock. Le monadnock oriental de Saint-André-de-Kamouraska.   Andréennes et Andréens aimaient en parler, surtout aux touristes, mais bien peu d’entre eux l’avaient rencontré. Faut dire que Kröm vivait tout en haut de la falaise, face au fleuve lequel, à cette hauteur, devient salé et glacial en se mariant à la mer. Ajoutez à cela un vent dominant du nord, et vous aurez une idée de la rigueur du climat où vivait Kröm. C’est d’ailleurs pour cette raison que les cultivateurs s’étaient établis au sud du monadnock. Là, leurs cultures étaient à l’abri du nordet et jouissaient d’un maximum de soleil. Ils y cultivaient même la prune depuis plusieurs siècles.   Kröm se moquait des cultivateurs. Il les traitait de frileux, de culs-terreux (sic). Lui préférait regarder le fleuve aller et...