Gourmandise littéraire
La légende raconte que j’ai commencé à lire dès que j’ai été
en âge de parler. C’est complètement faux : je ne parlais pas encore quand
j’ai lu mes premières bandes dessinées (Martin le malin, un coureur
automobile, et Tintin, un reporter sans frontières).
Puis, quand j’ai eu l’âge de raison, je me suis mis à
dévorer les Bob Morane d’Henri Verne et les voyages autour du monde de
Jules Verne. Les gros tomes de cape et d’épée d’Alexandre Dumas ont suivi peu
après.
Rapidement, je fus reconnu comme un bibliovore. Aussi quand
j’ai eu dix-huit ans, ma marraine a littéralement vidé son bas de laine pour
m’offrir la collection complète des prix Nobel de littérature (1901-1968). La
reliure de ces livres était extraordinaire : format A4, papier épais doré
sur tranche et, luxe suprême, couverture en cuir blanc. Malheureusement, je
suis déménagé très souvent par la suite. Les livres restaient dans des boîtes
qui encombraient mon espace de rangement. Je me suis donc résigné un jour à
solder toute ma collection à un libraire de seconde main. Je l’ai amèrement
regretté par la suite. Je me dis que j’aurais pu faire comme Donald Trump et me
servir des prix Nobel pour soutenir les tablettes d’exposition de mes
égoportraits 😊
Une conséquence heureuse de cet abandon a été ma décision
d’emprunter dorénavant mes livres à la bibliothèque du quartier. Certes, je ne
pouvais emprunter les best-sellers de l’heure (cela se fait seulement depuis
la fin du deuxième millénaire), mais,
pour mon plus grand plaisir, cela m’a permis de découvrir les grands auteurs
classiques : François Mauriac, Céline, Marguerite Yourcenar et compagnie.
Ma boulimie de lecture était telle que je passais mes
vacances à la bibliothèque plutôt que d’aller au bord de la mer avec mon amie
Claudette. Il m’est même arrivé parfois de décliner une invitation à souper ou
à sortir dans un bar pour terminer un roman. À ce sujet, je me rappelle encore
du temps fou que j’ai passé à lire la logorrhée autobiographique (plus de 3000
pages) de sir Winston Churchill, prix Nobel de littérature en 1953.
À la fin, Françoise et Agnès, mes rares amies de l’époque,
n’en purent plus de ma goinfrerie littéraire. Elles me tendirent un guet-apens
dans un bar à sushis et m’obligèrent à reconnaître que tout comme le Brian de
la publicité, j’avais un problème de consommation.
Avec leur aide, j’ai commencé à suivre une diète. Fini les
polars et les romans policiers ! Exit la science-fiction ! Je n’ai gardé que les
romanciers actuels les plus remarquables comme Amin Maalouf et Éric-Emmanuel
Schmidt. Et surtout, j’ai arrêté de lire au lit avant de m’endormir.
Aujourd’hui, je lis à l’occasion un traité d’exégèse ou une
bible scientifique. La dernière en date est La caverne originelle de
Jean-Loïc Le Quellec, un opus magnum de 888 pages que je vous recommande
fortement. Je me montre toujours disponible quand Agnès m’invite à prendre une
marche au bord du lac ou quand Françoise m’invite à luncher dans un bistro.
Aussi, sachez-le, je suis disponible pour vous accompagner dans un bar si vous
payez le cognac, gnac, gnac !
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