Le monde de Charlotte. Chap. 13 : Luxuriances

 

        Je pourrais vous parler encore longtemps des hommes à la sexualité déviante, condamnés selon moi à un célibat malheureux. Mais, je tiens à vous parler aussi de mes deux groupes de clients préférés : les inexpérimentés et les fidèles. Les deux groupes assurent mon fonds de commerce et me font vivre de beaux moments.

        Les premiers, vous vous en doutez bien, sont les hommes avec peu ou pas d’expérience sexuelle. Fréquemment aussi, avec peu ou pas de confiance en eux. Ceux-là veulent apprendre à bien faire les choses pour éventuellement avoir des relations enrichissantes avec les femmes.  Ces hommes sont sains d’esprit et ma foi, ont souvent de très beaux de corps. J’en veux pour exemple ce jeune homme dont je vous ai déjà parlé et qui m’a rapporté d’Europe une bonne bouteille de Gewurztraminer[1]. Je tire de la fréquentation des inexpérimentés la triple satisfaction d’être utile, de gagner de l’argent et d’éprouver du plaisir. Que demander de plus ? Vous allez sans doute me répondre : épouser l’un d’eux. Je ne dirais pas non, mais je ne me vois pas en Julia Roberts tombant en amour avec Richard Gere (voir le film Pretty Woman). Ni comme cette ex-prostituée dans un film européen dont j’ai oublié le nom, qui fait payer son mari à chaque fois qu’il veut faire l’amour (sic!). Je préfère, et de beaucoup, ne pas mêler amour et travail. Une dernière chose sur les inexpérimentés : certains prennent goût à ma pratique et n’hésitent pas à adhérer à mon second groupe, les fidèles.

        À moins qu’ils ne jouent aux Môssieux[2], les fidèles sont les clients les plus charmants qui soient. Souvent, ils m’apportent un petit cadeau pour montrer combien ils m’estiment[3]. La plupart m’appellent par mon nom. Et, tous aiment parler avant ou après le sexe. Avec eux, je me sens femme, bien dans ma peau. Autre avantage non négligeable, il s’installe souvent une complicité dans la relation sexuelle, ce qui n’est pas sans me déplaire. À bien y penser, c’est peut-être pour ça que je n’ai pas de mari : que pourrait-il m’apporter de plus que je n’aie déjà ?

        Hum ! Il y a matière à réflexion là. Se peut-il que trop d’hommes dans mon lit m’empêche d’avoir un conjoint dans ma vie ? Il va falloir que je creuse la question. Pas aujourd’hui, car je suis bien trop jeune pour quitter mon emploi. Mais, disons quand je verrai ma clientèle décroître, mes chairs se flétrir. Tiens je l’ai : quand je serai ménopausée. J’aurai alors assez d’argent dans mes REER et mon CELI pour vivre convenablement, voyager même. Je rêve de visiter les lupanars de Pompéi, le Topkapi à Istanbul, le Red Light District d’Amsterdam et, pourquoi pas, le musée du Phallus à Reykjavik.

 



[1] Voir « Je me fous du monde entier »

[2] Voir « Les Môssieurs »

[3] Revoir « Je me fous du monde entier »

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