Le monde de Charlotte. Chap. 11 : Eille, je suis là !
Aujourd’hui, les garçons apprennent la sexualité sur
l’Internet en passant de longues heures sur des sites pornos. Résultat :
ces trop-pleins de testostérone développent des fantasmes malsains que leurs
partenaires ne peuvent ou ne veulent pas satisfaire. Quand elles les envoient
promener après avoir vainement tenté de leur expliquer la différence entre cul
et amour, entre viande et humain, ces malappris se tournent vers les
fonctionnaires du sexe comme moi pour étancher leur lubricité. Car, voyez-vous,
ils ont aussi appris sur l’internet que l’argent achète tout, même le vice.
Alors, ils y vont à fond la caisse sans se soucier du prix. Surtout, sans se
soucier de leur santé mentale ni de leur équilibre émotif. Ceux-là, je les ai
drôlement en pitié.
Rien de mieux qu’un exemple pour illustrer mon propos.
Rassurez-vous, je n’entrerai pas dans les détails. J’ai déjà eu comme client un
beau jeune homme dans la vingtaine qui trippait sur les souliers de femme. J’ai
donc gardé mes escarpins à talons carrés pour baiser avec lui. Or, j’ai vite
découvert que monsieur n’en voulait qu’à mes chaussures. Pour lui, mon corps
était simplement l’accessoire qui les tenait en place. Vous imaginez ma
déconvenue, moi qui avais soigné mon maquillage et revêtu un magnifique
déshabillé en dentelle noire. Il caressait mes escarpins, les humait, leur
parlait même! Je bouillais intérieurement. J’ai failli lui crier « Eille, je suis là ! ». En lieu et place, j’ai versé une larme de compassion. Dès
qu’il a eu terminé sa petite affaire, ce qui ne lui a guère pris plus de dix
minutes, il s’est dépêché de se rhabiller et de déguerpir, non sans m’avoir
d’abord payé son dû en gardant les yeux rivés au sol, plus exactement sur mes
pieds. C’est une des rares fois où je m’en suis voulu d’avoir accepté l’argent
d’un client. J’aurais dû lui dire de le garder pour soigner son fétichisme.
Remarquez, je n’ai rien contre les fantasmes sexuels. Je
suis prête à porter un costume de serveuse ou de lapine si cela excite mon
client. Cependant, il faut que ça reste un jeu et que monsieur baise avec la
femme que je suis et non avec le costume que je porte.
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