(3 de 4) Lettre d'Angèle à Maître Vallières

 

Maître Vallières,

J’ai bien reçu votre citation à comparaître relativement à la poursuite de David X contre votre cliente Valentine Y pour rupture d’organe.  Je vous propose mon témoignage dès à présent, car je doute fort qu’il puisse être utile à votre cliente. 

J’ai fait la connaissance de David il y a deux ans. J’avais alors 27 ans. Je marchais sur la rue Principale lorsqu’il est entré dans mon champ de vision. J’ai été éblouie par son air déluré et sa tignasse rousse. Lorsque ses yeux de braise se sont posés sur moi, j’ai ressenti une véritable secousse sismique. Immobile, j’ai attendu qu’il m’aborde. Je ne me souviens plus de ses premiers mots, seulement de sa voix chaude et virile. Peu après, nous avons baisé dans son auto au fond d’un stationnement. 

Il faut que vous sachiez que je suis une personne transgenre. Avant David, j’ai rencontré très peu d’hommes. Je dirais même aucun de significatif. David a été le premier à me faire sentir vraiment femme. De surcroît, il était beau comme un cœur. Rien à voir avec les pichous qui m’approchaient dans les bars. Vous comprendrez donc que je  suis tombée follement amoureuse de lui. 

Nous avons commencé à nous voir régulièrement, parfois dans son auto, le plus souvent chez moi. Nous passions la soirée ensemble, jouissant de chaque moment. Puis vers minuit, il filait retrouver son épouse. Oui Maître, je savais qu’il était marié, mais je m’en foutais royalement : je voulais vivre à fond notre histoire d’amour, la faire durer éternellement. 

Les choses ont changé quand sa femme s’est mise à avoir des soupçons. Les visites de David se sont espacées et ont duré moins longtemps. Je le sentais nerveux, déchiré entre fidélité et passion. Pour ne pas le perdre, j’ai joué mon va-tout. J’ai volontairement laissé mon string dans son auto. Je voulais que sa femme le trouve, fasse une scène et quitte mon homme pour de bon. 

Pour ce qui est de la scène, David a été servi. Valentine l’a agoni d’injures, lui a lancé des assiettes à la tête, l’a même traité de baise-travesti (sic)! J’ai été surprise d’apprendre que David avait réagi en la frappant à répétition. Avec moi, mon phénix d’amour a toujours été doux. Jamais il n’a levé le ton, encore moins la main. 

Je croyais avoir gagné, avoir bientôt mon homme pour moi toute seule. J’avais tout faux. Un soir que David cuvait sa bière, votre cliente lui a tranché le pénis. Deux mois plus tard, David m’a téléphoné pour me dire que même si la chirurgie avait bien fonctionné, c’était terminé entre nous. 

Ne me reste de ce moment de bonheur qu’un égoportrait de nous enlacés sur le divan. Chaque soir avant d’éteindre, je le regarde et me demande si un jour j’en rencontrerai un autre tout aussi beau, tout aussi sensuel. 

Dans ces circonstances, vous comprendrez donc, Maître, qu’il n’est pas question pour moi de témoigner contre David. 

Angèle



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