Emma 2 : Les jouets
− Emma, viens manger ma grande fille !
− Une minute maman, je ramasse mes
jouets.
Naturellement, il n’en est rien. Emma essaie seulement de gagner du temps. Elle est assise sur le plancher de sa chambre devant un grand tapis vert quadrillé de rues grises représentant une ville en devenir. Entre ses jambes, un tas de Minibrix™ rouges qu’Emma essaie trop rapidement de les imbriquer les unes dans les autres pour en faire une station de métro. Plus loin, toutes sortes de véhicules miniatures attendent pour faire leur entrée dans la ville. Emma ne veut pas quitter tout de suite sa ville imaginaire. Il lui reste tant à faire : des maisons que personne n’abandonne, surtout pas ses deux grands frères jumeaux, des autos qui ramènent les papas à la maison après des années passées Dieu sait où, une station-service où ses frères font le plein d’essence d’autos de police, de camions de pompiers et d’où ils partent avec une remorqueuse secourir les automobilistes en panne. Surtout, au centre de sa ville, un parc où elle a le droit d’aller jouer au ballon avec les autres enfants.
Emma
imagine tout ça à voix haute pour que ses trois amis, Patapon, Patati et
Patata, comprennent ce qu’elle est en train de faire et lui donnent leur
accord. Patapon, un bel ourson en peluche noir et blanc, est assis en face
d’Emma de l’autre côté du tapis. Il garde toujours ses grands yeux fixés sur
elle, et jamais ne se lasse de l’écouter. Patati et Patata ressemblent plus à
des poupées de chiffon sur lesquelles quelqu’un aurait esquissé un visage.
Comme elles accompagnent Emma depuis sa naissance, elles n’écoutent plus
vraiment ce qu’elle leur raconte. Allongées sur le lit, elles se contentent de
hocher la tête de temps à autre et d’attendre patiemment qu’Emma vienne se
coucher pour la protéger durant son sommeil.
−
Allez
Emma, tu as assez joué. Viens manger tout de suite sinon je range tes jouets
pour la journée.
La
menace fait son effet. Emma dépose rapidement l’édicule à moitié assemblé,
repousse le tas de Minibrix™ et vient s’asseoir à la table, non sans avoir
préalablement enjoint Patapon de surveiller la ville.
−
Qu’est-ce
qu’on mange maman ?
−
Du
pâté chinois, comme à tous les vendredis. Tu te rappelles que tes frères vont
venir souper après le travail ? Puis, ils vont passer la soirée avec toi, le
temps que j’aille faire mes courses.
−
Oh,
j’avais oublié, dit Emma d’un air penaud. Puis, son visage s’illumine :
penses-tu qu’ils vont vouloir jouer avec moi ?
La mère
regarde sa fille et lui répond doucement comme si c’était la première et non la
énième fois que sa fille lui posait la question.
−
Tu
sais Emma, je crois que tes frères vont être très fatigués après leur journée
de travail. Ils préfèreront sans doute regarder la télévision. Mais avant, je parie
qu’ils voudront voir la ville que tu as construite aujourd’hui, tout
spécialement l’endroit où tu as placé leur station-service. Ils voudront sans
doute aussi savoir quels véhicules ont besoin d’être remorqués ou de faire le
plein d’essence.
C’était
exactement ce qu’Emma avait besoin d’entendre pour retrouver le sourire. La
jeune femme de 18 ans prend sa fourchette et entame son pâté chinois avec
appétit.
Patapon |
Patati et Patata |
Tapis de ville |
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