La plage de Shigawake

  

« Je voudrais voir la mer, et ses plages d’argent, et ses falaises blanches, fières dans le vent… » Tout comme Michel Rivard, je rêvais depuis des années d’aller au bord de la mer. J’ai enfin pu réaliser mon rêve à la retraite. Je suis parti sur les ailes d’un ange non pas pour une mer chaude du Sud, mes maigres moyens financiers n’y auraient pas suffi, mais pour la Gaspésie, plus précisément la plage de Shigawake dans la très malnommée Baie-des-Chaleurs. Christie que l’eau était frette ! Pourtant, nous étions au début du mois d’août, au lendemain d’une longue canicule.

D’ailleurs qui dit début août, dit vacanciers de la construction. Ils étaient nombreux à se rassembler le soir sur la grève autour d’un feu. Certains d’entre eux s’étaient, semble-t-il, donné pour mission de faire pousser de la bière dans le sable en jetant à bout de bras leurs canettes vides. Fuck la consigne, criaient-ils en armant leur catapulte. LibAAArté répondaient ceux qui étaient trop saouls pour se livrer à un quelconque effort physique.

Dès le premier jour, j’ai regretté d’avoir apporté pour seul vêtement de plage mon Speedo couleur orange brûlé. Tu aurais donc dû, répétait la voix d’ange de ma conscience, emporter ta combinaison de plongée en néoprène; ainsi tu aurais pu, tel un phoque du Groenland, t’ébattre dans l’eau à ta guise. Ouais, répondait la voix du petit démon perché sur mon épaule gauche, mais tu n’aurais pas été aussi sexy que maintenant et Dieu sait – Oups, excusez-la – qu’il est important de bien paraître cet été si tu veux rencontrer l’âme sœur et ne pas finir tes vieux jours tout seul à faire des mots croisés et à écouter la télévision.

J’ai découvert trop tard une deuxième raison pour porter une combinaison de plongée : les grosses méduses urticantes qui s’agglutinaient continuellement près de la plage et qui, à chaque marée haute, venaient s’échouer par centaines sur la laisse de mer. À défaut de connaître leur nom scientifique, je les appelais par leur nom commun : les tabarnaks. Je sais, je sais, c’est un blasphème. Mais, c’est le premier mot qui m’est venu à l’esprit quand je me suis étendu par mégarde sur l’une d’entre elles à demi-couverte de sable.

Heureusement, une âme charitable de la place, que j’appelai par son gentilé la Chaleureuse, venait régulièrement déposer de gros galets sur les tabarnaks échouées, évitant ainsi à mon corps de prendre la couleur de mon Speedo qui, je le rappelle, était orange brûlé.

Après quelques jours à me plaindre de tout, j’ai finalement engagé la conversation avec la Chaleureuse. C’est ainsi que j’ai appris qu’elle s’appelait Agate, sans H SVP, en l’honneur de ces belles pierres fines typiques de la Gaspésie. De la plage, on est passé à la brasserie de Port-Daniel pour un repas bien arrosé et, de là, à ma chambre de motel pour … vous savez quoi.

Je ne vous en dirai pas plus, par respect pour celle qui depuis douze ans maintenant est ma fidèle compagne. Sachez seulement que je conserve précieusement mon vieux Speedo orange brûlé en souvenir de ce voyage en Gaspésie et que je continue d’écouter religieusement (sic!) le petit démon perché sur mon épaule gauche.




 

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